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Droit à l’eau potable et à l’assainissement : consécration d’un droit de l’homme par les Nations Unies

Le conseil des droits de l’homme (CDH) des Nations Unies a reconnu l’existence du droit à l’eau et à l’assainissement comme un droit humain, le 30 septembre 2010. Le 28 juillet 2010, l'Assemblée générale des Nations Unies (AGNU) avait adopté la résolution n°64/292 reconnaissant le droit à l'accès à une eau potable, salubre et propre en ces termes : « Le droit à l’eau potable et à l’assainissement est un droit de l’homme, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme ». Le conseil des droits de l’homme a repris ces dispositions dans une résolution A/64/L.63/Rev.1 selon laquelle : « le droit à une eau potable salubre et propre est un droit fondamental, essentiel au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits de l’homme ». A noter, au passage, la légère différence entre les deux intitulés définitifs.

Il s’agit là d’un évènement important puisque, après plus de 20 ans de débats sur cette question, c’est la première fois que ce droit est mentionné par un texte international et par là même reconnu en tant qu’instrument juridique international à part entière. Bien que connexe des autres droits fondamentaux tels que la santé, la vie, la dignité, les Nations Unies entérinent ici une conception forte du droit à l’eau, contre l’interprétation stricte d’un droit qui serait implicitement contenu dans des autres droits humains fondamentaux (Droit à la vie, droit à la santé, droit à une nourriture de qualité et à un logement adéquat…). C’est également un revers pour les tenants d’un droit à l’accès à l’eau qui pourrait se confondre avec un droit économique et social ou un simple besoin de base.

UNE CONSÉCRATION DANS LA FOULÉE DES OBJECTIFS DU MILLÉNAIRE

La résolution n°64/292 de l’AGNU s’inscrit d’emblée clairement dans la lignée des cibles des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). La garantie de l’accès à l’eau potable y figure en effet parmi les mesures marquantes et s’y trouve formulée comme suit dans l’objectif 7.C de la manière suivante : « Réduire de moitié, d’ici à 2015, le pourcentage de la population qui n’a pas d’accès à un approvisionnement en eau potable ni à des services d’assainissement de base » (OMD 7 C)

Adoptés dans le cadre des Nations Unies par le biais de la Déclaration du Millénaire en septembre 2000, les OMD visent huit objectifs essentiels à atteindre d’ici à 2015, qui vont de la réduction de moitié de l’extrême pauvreté à l’éducation primaire pour tous, en passant par l’arrêt de la propagation du VIH/sida. L'OMD 7, intitulé "Assurer un environnement durable", comporte une composante (dite "Cible 10") qui vise à réduire de moitié, d’ici à 2015, le pourcentage de la population qui n’a pas accès de façon durable à un approvisionnement en eau potable et à un assainissement de base.

L’ÉNONCIATION D’UN PRINCIPE PRÉPARÉ AU PLUS HAUT NIVEAU

Débattu de longue date, le droit à l’eau et à l’assainissement a bénéficié d’une réflexion menée depuis plusieurs années par le CDH. Cette réflexion notamment pilotée sous la responsabilité de Mme Catarina de Albuquerque, experte indépendante chargé des questions relatives à l'accès à l'eau potable et à l'assainissement en tant que droit de l'homme, a conduit à plusieurs rapports sur ce sujet.

On peut lire dans ses recommandations les prémices d’une résolution sous la forme d’un appel de ses vœux pour la reconnaissance solennelle et normative de ce droit au niveau international : « The formulation of new or revised global goals, targets and indicators and their adaptation at the national level must be guided by human rights standards and principles, including the normative content of the rights to water and sanitation, as well as non-discrimination, participation and accountability. In particular, future indicators must reflect the criteria of availability, safety, acceptability, accessibility (including reliability) and affordability in line with human rights standards » (recommendation “g”) Rapport Human rights obligations related to access to safe drinking water and sanitation » (Rapport UN A/65/254 du 6 août 2010).

Initiée par Evo Morales, président de la Bolivie, la résolution n° 64/292 sur le droit à l’eau et à l’assainissement constitue un des résultats les plus significatifs du travail mené par l’ONU en matière de droit fondamentaux et humains de ces dernières années.

Madame Catarina de Albuquerque prépare actuellement un rapport sur les services de l’eau et de l’assainissement. Ce rapport est prévu pour 2011 et pourrait préfigurer une décision internationale contraignante concernant le droit à l’eau. Complément indispensable à la récente résolution de principe ici commentée.

LES CONDITIONS DU VOTE DE LA RÉSOLUTION N°64/292

Adoptée lors de sa 64e session, par l'Assemblée générale des Nations Unies, le 28 juillet 2010, la résolution n° 64/292 reconnaissant le droit à l'accès à une eau potable, salubre et propre a reçu le vote favorable de 122 États, dont la France. La résolution définitive a été adoptée par consensus, le 30 septembre 2010, conformément à la procédure d’adoption, puisque 41 État se sont abstenus et aucun État ne s’est opposé.

Parmi les abstentionnistes, on dénombre les USA, le Japon, le Canada, Israël, l’Australie, le Royaume-Uni, l’Autriche, la Pologne, la République tchèque, la Suède, le Danemark, les Pays Bas, etc. L’Amérique latine, l’Afrique, l’Asie et onze pays de l’Union Européenne regroupent l’essentiel des votes favorables à la résolution : Brésil, Russie, Chine et Inde, Italie, France, Belgique, Allemagne, Norvège, Espagne, etc.

Dans son contenu, la résolution revêt une formulation assez classique qui resitue le droit à l’eau et à l’assainissement dans celui, plus large, du droit à un niveau de vie digne et adéquat. La résolution rappelle qu’il est de la responsabilité première des États d’organiser se mise en œuvre et d’exercer son contrôle sur les opérateurs (publics, privés, associatifs) chargés de la fourniture de l’eau et de l’assainissement.

Une définition spécifique de ce droit ne figure pas dans la résolution. A défaut, et sur la base des éléments donnés par le Protocole des NU sur l’eau et la santé des 16 - 18 juin 1999, il est possible de considérer les définitions suivantes :

  • Le droit à l’eau recouvre « toute eau qui est utilisée ou qui est destinée à être utilisée par l'homme pour la consommation, pour la cuisson et la préparation des aliments, pour l'hygiène corporelle ou à des fins similaires »
  • Le droit à l’assainissement concerne « la collecte, le transport, le traitement et l’élimination ou la réutilisation des excréta humains ou des eaux usées ménagères au moyen de systèmes collectifs ou d’installations desservant un seul foyer ou une seule entreprise ».

CONTENU ET LACUNES : LES LIMITES DU PRINCIPE POSE PAR LES NATIONS UNIES

La première limite qui peut être soulevé concerne la nouveauté relative de ce droit. Certes, celui-ci se trouve ici annoncé solennellement et de manière incontestable. Certains commentateurs, ont pu contester cette affirmation officielle en faisant valoir que d’autres textes juridiquement contraignants énonçaient déjà indirectement un droit à l’eau et à l’assainissement. C’est le cas notamment de la Convention relative aux droits de l’enfant, de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et de la Convention de l’Organisation internationale du Travail concernant les services de santé au travail.

Une autre critique consiste à dire que, s’agissant d’une résolution non contraignante, elle n’a de valeur juridique que par l’engagement solennel des États à mettre en œuvre ses dispositions dans leur droit interne. Si la création de droit par la résolution est incontestable, la portée juridique et son opposabilité l’est, elle, beaucoup plus. Les résolutions n'imposent pas d'obligations aux États : elles les invitent, incitent, encouragent mais n’imposent rien. En effet, par nature, le droit international ne peut interférer avec le domaine de compétence propre à la souveraineté des États. La limite de la résolution réside donc dans la capacité d’action de chaque Etat à traduire les dispositions dans les législations nationales. « La mise en application des obligations contractées par les États demeure donc tributaire d'une réelle volonté politique qui ne faut cesser d’aiguillonner. D’où l’urgence de maintenir la pression et les actions de lobbying sur les gouvernants et les organisations onusiennes. » selon Monsieur Christian Alain DJOKO (Source : site de Couleur d’Afrique : http://www.couleursdafrique.eu/ONU-Droit-a-l-eau-potable-et-a-l-assainis...).

Se pose la question de la mise en œuvre concrète de ce nouveau droit. Peut-il être valablement reconnu devant une juridiction ?

Monsieur Henri SMETS, a souligné quant à lui l’importance de l’association de ce qui est en fait deux droits distincts. Pour le commentateur, « La portée universelle du droit à l’assainissement rejoint celle de l’accès à l’eau potable. L’un sans l’autre ne saurait constituer un progrès satisfaisant. ». Par ailleurs, et spécifiquement sur la question de l’assainissement, le commentateur d’ajouter que « Le droit à l’assainissement n’est pas le droit à un égout partout mais le droit à ne pas subir les inconvénients de l’absence d’assainissement. ». La question est posée de la réelle application de ce droit à l’assainissement sur certaines populations telles que les handicapés ou dans certains établissements tels que les écoles et les prisons. (Source : site du PFE : http://www.partenariat-francais-eau.fr/spip.php?article796).

Madame Chantal JOUANNO, secrétaire d’Etat chargée de l’écologie, souligne quant à elle une « avancée historique » et poursuit en insistant sur le fait « Cela implique que tous les pays qui ont une ambition démocratique doivent maintenant essayer de se donner les moyens, ou de structurer leur organisation, pour répondre à cette attente » et de conclure sur le fait que la question du droit à l’eau et à l’assainissement « n'est pas fondamentalement un problème économique » (Propos recueillis par le journal Le Monde : http://www.lemonde.fr/planete/article/2010/07/29/l-acces-a-l-eau-potable...)

Enfin, Madame Maude BARLOW, ancienne conseillère des Nations-Unies pour les questions relatives à l’eau, est même allée plus loin en déclarant à l’AFP que c’était « un jour historique pour le monde, un grand pas dans la perspective d'un traité portant sur l'eau. »

CONCLUSION

Dans le contexte actuel où la France doit accueillir à Marseille le 6ème Forum mondial de l’eau en mars 2012, la résolution n°64/292 représente le premier jalon vers une politique plus contraignante permettant assurer l’application réelle du droit à l’eau et à l’assainissement dans le monde. Ce rendez- vous doit permette de travailler sur les moyens à mettre en œuvre pour assoir le droit à l’eau potable et à l’assainissement de manière opérationnelle.

Pour aller plus loin :

http://www.blueplanetproject.net/

http://ierpe.eu

http://www.franceonu.org/spip.php?article5098