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Forum Mondial de l’Eau : à l’heure des bilans, quels progrès tangibles pour la gestion de bassin et la coopération transfrontalière ?

Le thème de la gestion de bassin et de la coopération transfrontalière a été largement discuté durant le récent Forum Mondial de l’Eau de Marseille. De très nombreuses contributions ont été reçues sur le site Internet du Forum et la « plateforme des solutions » ou directement par les coordonnateurs de chaque cibles. Ces sessions, qui se sont tenues les 12 et 16 Mars 2012, ont permis d’entendre les communications d’organisations très diverses, représentant tous les courants d’opinions et les différentes parties du monde, dont une forte proportion d’organismes de bassin présentant leur expérience concrète de terrain. Elles ont laissé une très large place au débat et à des discussions riches et animées, parfois même enflammées !

Des questions, comme le statut des eaux transfrontalières, les modalités de réalisation et de financement d’ouvrages communs, la ratification de la Convention des Nations Unies de 1997 ou la gestion des aquifères transfrontaliers ont vu s’exposer des positions parfois encore divergentes, montrant qu’il est toujours difficile d’arriver à un consensus général entre tous les pays et tous les partenaires concernés.

Une très large majorité des participants a convergé sur l’intérêt que présentent les approches par bassin, nationales ou transfrontalières, pour faire face aux grands défis mondiaux de la gestion des ressources en eau :

  • L’UNESCO et le Réseau International des Organismes de Bassin (RIOB) ont coordonné conjointement les neufs sessions officielles de la Priorité 1.5 «Favoriser la coopération et la paix» , principalement consacrées à la gestion des bassins des fleuves, lacs et aquifères transfrontaliers.

  • Le RIOB a également coordonné la « cible » n° 3 de la Condition de Succès N°1 "Bonne Gouvernance". relative à l'élaboration et à la mise en œuvre des Plans de Gestion de Bassins – versants nationaux ou transfrontaliers.

  • La Commission Européenne et la CEE ONU ont coordonné également deux sessions du processus européen : l’une (Eu1), sur la « Convention de l’eau » (Helsinki 1992) et la gestion des bassins transfrontaliers européens , l’autre (Eu2), sur l’application de la Directive – Cadre européenne sur l’Eau (DCE), en liaison étroite avec le « groupe Euro-RIOB ».

Quelles conclusions suite au Forum ?

Les recommandations qui ont émergé des débats lors du Forum peuvent être résumées comme suit :

  • Des progrès significatifs ont d’ores et déjà été réalisés depuis les années 1960, mais surtout 1990, avec les réformes engagées dans de nombreuses régions et pays dans le monde ayant adopté ou expérimentant une gestion de bassin, y compris pour des bassins transfrontaliers. Ces expériences permettent aujourd’hui de proposer des orientations et des outils utiles et efficaces aux pays qui souhaitent mettre en œuvre une gestion moderne de leurs bassins nationaux et renforcer leur coopération transfrontalière. Les progrès réalisés jusqu’ici restent cependant insuffisants pour permettre de s’adapter à un monde en grande mutation.

  • Une forte volonté politique et des engagements à long terme sont indispensables pour instaurer une gestion par bassin et, si nécessaire, la coopération transfrontalière permettant de faire face aux changements futurs,

  • les bassins des fleuves, des lacs et des aquifères apparaissent bien comme étant les territoires appropriés pour l’organisation de la gestion solidaire des ressources en eau, des écosystèmes aquatiques et de toutes les activités liées à l’eau,

  • les bassins des fleuves, lacs et aquifères transfrontaliers doivent faire l’objet d’une attention toute particulière et il est souhaitable que leur gestion soit organisée en concertation entre les Pays riverains,

  • la création et le renforcement d’organismes de bassin, sous les formes les plus appropriées, et, pour les bassins transfrontaliers, de commissions internationales, d’autorités ou autres organismes adaptés, facilitent le dialogue, la coopération, l’échange d’information et la mise en œuvre des actions et projets communs, permettant de partager les bénéfices, d’anticiper l’avenir et de prévenir des conflits potentiels entre les acteurs concernés,

  • il convient de renforcer l’intégration régionale en harmonisant les politiques et les législations et en mettant en œuvre des programmes régionaux d’intérêt commun indispensables à l’amélioration de la gestion des ressources en eaux souterraines et superficielles à l’échelle des bassins,

  • il est nécessaire de créer ou de renforcer les financements dédiés à la gestion des ressources en eau et des milieux aquatiques et à leur administration, et d’une façon générale du « grand cycle » de l’eau,

  • les acteurs de la société civile et les communautés locales doivent être mieux associés et impliqués dans la gestion des bassins où ils vivent,

  • l’eau doit être mieux valorisée et il faut veiller à une utilisation économe de cette ressource rare en assurant un meilleur contrôle de la demande, en encourageant l’adoption d’usages plus efficients et, selon le cas, le recours à des ressources non conventionnelles,

  • les différents écosystèmes présents dans les bassins versants ont une grande importance tant pour la biodiversité que pour les services environnementaux rendus, notamment pour la régularisation des cycles hydrologiques et la prévention des risques, ainsi que pour l’épuration de pollutions,

  • il convient de mieux introduire la prise en compte des ressources en eau dans les politiques sectorielles, notamment dans les secteurs de l’eau potable, de l’assainissement, de la santé, de l’énergie, de l’agriculture et de la pêche, des transports fluviaux, de la protection contre les risques et de la préservation de la biodiversité, concourant ainsi au développement durable et à la lutte contre la pauvreté,

  • il faut renforcer la coopération entre les organismes de bassin du monde entier et de chaque région pour faciliter le transfert d’expériences et de savoir–faire sur les meilleures pratiques en matière de gestion de bassin et leur adaptation dans différents contextes.

Quelles solutions pour l'avenir ?

Les recommandations du Forum impliquent notamment les actions suivantes :

  • que les informations essentielles, qualitatives et quantitatives, soient produites et rendues accessibles sur les ressources, leurs usages, les pressions polluantes, les écosystèmes et leurs fonctions, le suivi de leurs évolutions, l’évaluation des risques et l’économie du secteur. Cette information doit être utilisée comme une base objective pour le dialogue, la négociation, la prise des décisions et le suivi de leur application, ainsi que pour la coordination des financements des différents donneurs ;

  • que des plans de gestion ou schémas directeurs de bassin fixent clairement les objectifs à atteindre à long terme pour garantir l’intégrité des ressources en eau ;

  • que des programmes d’actions et d’investissements successifs soient élaborés pour répondent aux priorités économiques, sociales et environnementales des bassins, fixées dans les plans de gestion et que des mécanismes d’évaluation de leurs résultats basés sur des indicateurs de performance adaptés soient mis en place,

  • que les moyens de formation et d’éducation consacrés à la mise en œuvre de la coopération et à la gestion par bassin, augmentent de façon significative ;

  • que soient mobilisés les moyens financiers nécessaires pour couvrir les besoins des pays dans ce domaine, en tenant compte de leurs particularités socio–économiques, culturelles, ou géopolitiques. Il est nécessaire d’établir partout des systèmes de financement complémentaires basés sur la participation et la solidarité des usagers. Des redevances de bassin peuvent permettre l’application des principes « utilisateur–payeur et pollueur–payeur » et peuvent avoir un effet incitatif sur la réduction des consommations et le contrôle des pollutions.

Ces principes sont repris dans le Pacte mondial pour une meilleure gestion des bassins, signé officiellement à Marseille le 16 Mars 2012, par 69 organismes de bassin venus du monde entier. Ce « Pacte » est proposé à la signature de tous les organismes de bassin du monde entier qui n’ont pas pu être présents à Marseille. Notre Président Mondial du RIOB, S.E. Monsieur Mohamed Salem Ould Merzoug, Haut-Commissaire de l’Organisation pour la Mise en Valeur du Sénégal, a présenté le « Pacte » à la séance plénière de clôture officielle du Forum.

Plusieurs événements parallèles aux sessions officielles du Forum ont permis de présenter un large éventail d’expériences de terrain et des échanges directs entre responsables d’organismes de bassin, en particulier :

  • Le Réseau International des Organismes de Bassin (RIOB) a eu l’honneur d’être invité à présenter une communication stratégique (key note speaker) à la table ronde ministérielle consacrée au bassins transfrontaliers, présidée par les Etats Unis d’Amérique, le Tadjikistan et le Zimbabwe, le mardi 13 Mars au matin.

  • Le Réseau International des Organismes de Bassin (RIOB), le Partenariat Mondial de l’Eau (GWP), la CEE-ONU, l’UNESCO, le GEF, EVREN et l’Agence Française de Développement ont conjugué leurs efforts pour publier « le Manuel sur la Gestion Intégrée des Ressources en Eau dans les Bassins des Fleuves, des Lacs et des Aquifèsres Transfrontaliers », présenté au Forum Mondial de l’Eau de Marseille, le 14 Mars 2012. Cet ouvrage, qui a nécessité près d’une année de travail et impliqué de nombreux professionnels, a pour but de fournir des conseils pratiques pour améliorer la gestion des ressources en eau dans les bassins transfrontaliers, à partir de plus de 60 exemples concrets d’actions d’ores et déjà engagées avec succès dans différents bassins.

  • Les Organismes–Membres du RIOB ont également été conviés à présenter leurs expériences et recommandations, lors d’un évènement consacré à la gestion des grands bassins transfrontaliers, organisé sur « l’Espace France », par les Agences de l’Eau françaises, le FFEM, l'AFD, l'OSS et l’Office International de l’Eau, secrétaire technique permanent du RIOB.

  • Un accord a été signé le 12 Mars 2012 entre la Chine et la France, mobilisant de part et d’autre les partenaires concernés, pour engager la 2ème phase d’une coopération sur la gestion intégrée du bassin du fleuve Hai et de son affluent la rivière Zhou, entre 2012 et 2015, et qui a été un des premiers engagements concrets signés au Forum Mondial de l’Eau de Marseille!

  • Les douze Comités de Bassins français se sont également engagés à renforcer le financement d’actions de solidarité internationale sur la base de 1% du budget des Agences de l’Eau métropolitaines et de doubler le nombre de leurs coopérations institutionnelles avec des bassins jumelés. Ils favoriseront d’ici 2015 des démarches de coopération interrégionale dans la zone Caraïbes et dans l’Océan Indien, notamment pour soutenir la création d’un Réseau des îles-bassin, afin de partager l’expérience des Comités de Bassin ultramarins avec les pays insulaires voisins.

La déclaration ministérielle du Forum, sans doute pour obtenir l’unanimité de toutes les délégations présentes, est restée quasi muette sur la gestion de bassin, ce qui peut paraitre paradoxal pour un Forum organisé dans un des pays pionniers depuis 50 ans de cette approche et dans l’Union Européenne où depuis 2000, la Directive-Cadre sur l’Eau impose au 27 Etats-Membres et aux Pays associés et candidats une gestion par bassin, sans oublier l’adhésion des pays pan-européens à la Convention sur l’Eau de 1992 dans le cadre de la CEE-ONU ?

Cependant, le Premier Ministre français, monsieur François Fillon, dans son discours d’ouverture du Forum, où il a rappelé la Loi française de 1964 qui a créé notamment les instances de bassin, a été très offensif en déclarant notamment qu’il fallait « faire aboutir les démarches pour que la convention des Nations Unies de 1997 sur les cours d’eau internationaux entre rapidement en vigueur », et en proposant d’accueillir en France la première réunion des parties, dès que ce sera chose faite. L’Etat français s’est également engagé à Marseille à promouvoir les instruments d’une gouvernance durable et responsable des ressources en eau partagées entre plusieurs Etats sur des bassins transfrontaliers et à encourager le transfert d’expérience des Commissions intergouvernementales de fleuves transfrontaliers auxquelles la France est Partie vers les Etats ou régions mettant ou ayant mis en place des organisations équivalentes.

Les parlementaires présents ont également approuvé un « Manifeste », dans lequel ils déclarent que « la paix et la gestion équitable des bassins partagés sont une nécessité pour le développement durable des peuples riverains », « ils s’engagent à travailler pour l’entrée en vigueur des textes, résolutions et conventions sur les cours d’eau et aquifères transfrontaliers » et « ont proposé que des rencontres soient tenues entre parlementaires des pays concernés pour introduire une meilleure nouvelle gouvernance de l’eau »….

Bien sur, tous les problèmes ne vont pas être réglés comme par miracle, tant certaines positions restent encore éloignées, mais indiscutablement la gestion par bassin et la coopération transfrontalière ont marqué des points durant le Forum Mondial de l’Eau de Marseille !

http://www.riob.org